vendredi 3 février 2017

Hôpital de Fontainebleau : Urgence : "On est sous l’eau, on est maltraité, on est harcelé" (franceinfo: 3/2/17)

Venant à contre-courant de l'image rassurante donnée par certains élus, Franceinfo nous donne à réfléchir sur l'état de notre hôpital public.


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Urgence à l'hôpital : 

"On est sous l’eau, on est maltraité, on est harcelé"



La Fédération hospitalière de France présente vendredi une cinquantaine de propositions à destination des candidats à la présidentielle.

Franceinfo vous emmène aux urgences de Fontainebleau où, comme ailleurs, l'hôpital a besoin d'oxygène.



Bureau des urgences de l'hôpital de Fontainebleau, en Seine-et-Marne. (CÉLIA QUILLERET / RADIO FRANCE)



Célia Quilleret
Radio France
Mis à jour le 03/02/2017 | 06:09
publié le 03/02/2017 | 06:09

"Cette fois, il n'y a plus de jus dans le citron"... L'hôpital souffre. Ce n'est pas nouveau. Mais aujourd'hui ce sont les directeurs d'hôpitaux eux-mêmes qui se plaignent du manque de moyens dans leurs établissements. La Fédération hospitalière de France (FHF) lance un cri d'alarme sur la situation de crise des hôpitaux, n'hésitant pas à parler de "burn out". Elle présente vendredi 3 janvier une cinquantaine de propositions à destination des candidats à la présidentielle. Franceinfo vous les révèle.

Dans ses préconisations, la FHF demande plus de souplesse, un financement concentré sur les soins utiles, davantage de médecins libéraux en ville pour désengorger les hôpitaux, davantage de mise en réseaux également. Aujourd'hui l'hôpital est à bout de souffle et pas seulement les jours de crise.

Trop de patients et pas assez de moyens

C'est le matin aux urgences pédiatriques, le docteur Pascal Saunier vient de soigner un petit garçon. Il ne peut pas faire deux pas dans la salle d'attente sans être interpellé par les parents. Le chef de la pédiatrie est un passionné, mais là c’est trop. "On a des urgences qui débordent. On a passé notre nuit à voir des gens et on a rempli le service de pédiatrie," décrit-il. "Les quinze places sont prises. On a des enfants en situation sévère qu’on a transférés ce matin."


On manque de médecins et on manque d’infirmières. On est sous l’eau. On est maltraité, on est harcelé.

le docteur Pascal Saunier, chef de la pédiatrie à l'hôpital de Fontainebleau
à franceinfo

Les charges administratives, surtout, deviennent pesantes dans le quotidien de Pascal Saunier. "On nous demande tout le temps de faire des rapports sur l’activité. On perd du temps à cliquer. Il faut faire dix clics pour voir un enfant. On nous fait remplir des trucs, du travail en plus pour savoir si on travaille." dit-il avec colère. "Ils n’ont qu’à prendre leur voiture et venir ici. On en a ras-le-bol si vous voulez le savoir !"

Et pourtant, il y a des solutions. Le docteur Saunier rêve par exemple de petites structures qui mettraient en réseau les médecins. "C’est faire des unités périphériques qui sont compétentes et qui sont en réseau avec les unités centrales. C’est ça dont on a besoin", explique le chef de la pédiatrie. "On a une perte de contact entre les médecins hospitaliers et les médecins de ville puisqu’en fait ils sont trop loin. On ne peut pas travailler tout seul dans notre coin, ça c’est le XIXe siècle."

Les médecins ne se sentent d'ailleurs pas consultés. Le docteur Jean-Michel Meck, radiologue, est syndiqué à la CGT explique qu'"on ne leur demande plus leur avis. Quand ils disent qu’ils ne sont pas d’accord, on leur fait comprendre qu’ils doivent se taire. On ferme des activités, on les déplace. C’est une pression morale sur les médecins". Le problème, à terme, c'est que ces médecins "ne s’impliquent plus dans le fonctionnement de l’hôpital. Ils font leur boulot de médecin point barre. Mais ils n’ont plus cette action citoyenne au niveau du fonctionnement de l’hôpital."

"On ne parle quasiment plus de médecine"

Dans leur salle des médecins des urgences, c’est un début d’après-midi calme et pourtant il n’y a quasiment plus de lit. Le docteur Dominique Quillet regarde, inquiet, le tableau des chambres disponibles.

Il est 14h, il nous reste deux lits d'hospitalisation, un en oncologie, un en spécialité médicale, pour des patients qui vont arriver jusqu’à demain 9h.
Le docteur Dominique Quillet de l'hôpital de Fontainebleau
à franceinfo

"Cela veut dire qu’un patient qui est grippé par exemple, pourra se retrouver en oncologie, parce que je n’ai pas d’autres places", décrit Dominique Quillet. "Quand ces deux lits seront épuisés, les patients dormiront soit dans un lit de chirurgie, s’il reste de la place, ou sur les brancards dans les urgences. Ça met une mauvaise ambiance dans l’établissement. Moi, en tant que chef de pôle, ça me met en porte-à-faux entre mes équipes et l’administration, puisque je fais remonter les choses. Les patients ne sont pas orientés au bon endroit," conclut-il.

Les médecins répondent au téléphone, interprètent des radios, codent tous les actes dans les ordinateurs. L’activité est positive pour l'hôpital mais comment faire toujours plus avec moins ? Le docteur Yacine Lamarche Vadel voit bien que le cœur de son métier a changé "depuis une dizaine d'années". "On voit bien que l'ordre du jour est plus accès sur l'activité, sur les déficits des services, leur taux d'occupation, la durée moyenne d'hospitalisation...", raconte-t-il. "Que des chiffres et des indices économiques, mais on ne parle quasiment plus de médecine".

On parle moins de médecine et plus d'économies. On a fait un peu le deuil d'un service public, d'un accès aux soins et d'un système de santé extrêmement généreux, accueillant, disponible. Donc il y a toute une réflexion éthique et philosophique par rapport à ce que c'est, l'accès aux soins.
Le docteur Yacine Lamarche Vadel, de l'hôpital de Fontainebleau
à franceinfo

Même le directeur de l'hôpital, Benoît Fraslin, pourtant favorable aux économies, admet que le système est à bout de souffle, victime de trop de normes et de trop de demandes contradictoires. Il attend donc plus de souplesse."Il faut qu'on ouvre en quelques sortes des perspectives nouvelles", explique-t-il. "C'est clairement une nécessité, parce que je pense que si on n'arrive pas à faire évoluer des règles, des normes applicables, un certain nombre de contraintes, et qu'on ne nous donne pas des éléments de souplesse pour pouvoir mieux nous organiser, les années qui viennent risquent d'être plus tendues encore".

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